Proposition du 26 septembre
Vous (votre personnage) êtes au volant de votre voiture, de petit
format, dans laquelle on ne monte qu'à deux pas plus. Il fait un temps
exécrable. Vous arrivez au niveau d'un abri bus où se trouvent trois
personnes : un médecin que vous connaissez pour vous avoir sauvé la
vie quelques années plus tôt, une vieille femme prise d'un malaise et
l'homme ou la femme de votre vie.
Bonne inspiration,
A bientôt,
Kissous,
Yvanne
Je sais, cette semaine je suis dur à la détente. Mais j'ai des excuses. Et un mot de ma maman.
« Seule la pensée permet d'aller plus vite que la lumière. »
Einstein
C'est vrai, commencer un texte par une citation ça vous pose un
homme. Et d'Einstein en plus…
Bon. Laissons tomber les fioritures, si je commence par cette citation
qui n'est pas d'Einstein, ni de personne que je connaisse, mais de
moi, enfin, je pense, ce n'est pas pour faire bien. Non, c'est pour
vous faire comprendre la suite : bien qu'il m'ait fallu plusieurs
dizaines de minutes pour transcrire cette histoire, bien qu'il vous
faille plusieurs minutes pour la lire, cette histoire n'a duré que
quelques dizaines de secondes. Voire moins.
Je roulais tranquillement vers la maison, presque pépère, quand je
suis arrivé à auteur de cet abris bus. Pourquoi celui-là plutôt qu'un
autre, je ne sais : le hasard sans doute. De toutes façons il
était sur ma route.
Je les ai vu tous les trois.
Elle, Hilda, une vieille fille pas vraiment vieille mais plus toute
jeune que je savais avoir des problèmes de cœur. Lui, le docteur
Dupont. Un chirurgien de mes connaissances. Brave homme s'il en est.
Et elle. Elle ! Madame Dupont. Une femme… Sa femme. Ma …
Oui, je les ai vu tous les trois.
Mais je n'ai pas vu le quatrième.
Ils étaient de l'autre côté de la rue. J'aurais voulu ramener Ginette
chez elle, ou l'emmener chez moi, c'est pareil. Les autres ne comptant
pas. Hilda a un malaise. Elle se laisse glisser, Pierre l'aide dans sa
descente aux enfers, dans sa descente vers le trottoir. Ginette n'en a
cure. Hilda se couche sur le dos. Pierre plie ses genoux, se plie en
trois comme un musulman pour la prière. Ginette attend.
Non, aucun des trois ne m'a vu.
Pas plus que le quatrième.
Il me faut l'emmener.
Ma MX5, cette petite merveille, n'a que deux places. Impossible de la
prendre elle, et un autre. Rien qu'elle. Pas un autre. Je traverse le
boulevard pour l'emmener. Elle. Rien qu'elle. Pas un autre. Pierre est
maintenant baissé, une main sur la poitrine d'Hilda, prêt pour un
bouche à bouche.
Je m'arrête devant l'abri bus.
Et sors de la voiture.
Je voudrais aller vers eux trois.
Ouf, je vois le quatrième.
Et le quatrième me voit.
Mais trop tard.
Ma voiture décolle de l'avant. Les pneus éclatent.
Dans une explosion que je n'aurais jamais imaginé, cette voiture part,
vole, atteint le milieu du carrefour où elle s'écrase : le bus a
pris sa place.
Je n'ai plus la possibiité d'emmener même une personne.
Il me faudra attendre le bus. Comme les autres.
- © Christian Brissa
- septembre 2005