- « Tu m'aimes ? »
Comme s'il devait poser cette question après bientôt 10 ans de
mariage !
Tu te souviens ? Notre première discussion. Je ne sais plus de
quoi nous parlions.
Je ne sais plus de quoi TU parlais.
Je me souviens avoir défendu un point de vue différent du tien.
Les cris, les hurlements, les insultes que tu as proférées. À
t'entendre, je n'étais, je ne suis encore, qu'une idiote, une
imbécile. C'est à se demander pourquoi tu m'as fait l'honneur de
m'épouser.
J'ai osé défendre mon point de vue. Encore une fois. Deux fois sur la
même semaine. C'en était trop. Les insultes n'étaient plus
suffisantes. Les coups. Les premiers. Pas les derniers.
Nous étions mariés depuis moins de trois mois.
Tu cognais n'importe où, pour n'importe quelle raison.
Souvent sans raison.
Enfin, si.
Une maxime.
Une maxime que tu appliques le plus souvent possible: « Qui aime
bien, châtie bien ».
Je me souviens un jour, j'avais mal de gorge, ma voix n'était pas
normale. Tu m'as trouvée agressive. Agressive, moi ! Tu m'as
cognée.
Nous étions en voiture, tu conduisais, ça ne t'a pas empêché de
frapper.
Depuis, j'ai appris à conduire. Quand je suis au volant, tu n'oses pas
frapper.
Tu as peur. Pour toi. Peur que je sorte de la route.
Peur d'être blessé.
Et, aux voisins qui s'étonnent de voir le mâle que tu es me laisser
prendre le volant, tu expliques être riche, car seuls les riches ont
un chauffeur.
Est-ce que je te demande si tu m'aimes ? Non !
Si je devais te le demander, tu répondrais oui.
« La jalousie est une preuve d'amour. »
Parce que tu es jaloux. Et la jalousie n'est pas une preuve d'amour.
Tu te comportes comme un enfant. Je suis ta femme, je suis ton jouet,
je ne suis que ta chose.
Tu veux contrôler qui je vois.
Tu veux contrôler ce que je dis.
Tu contrôle qui je reçois. Personne. Si c'est un homme, comme tous les
hommes il ne pense qu'à coucher avec moi. Si c'est une femme, tu lui
trouves un côté masculin. Elle est lesbienne, tu en es certain.
Tu m'imposes de porter des pantalons aux couleurs tristes comme seuls
les hommes sont fiers d'en porter.
Ou des jupes qui traînent à terre. Des jupes que n'auraient pas
reniées tes grands-mères.
Pour que personne ne me regarde. Pour qu'on oublie que je suis une
femme.
Jusqu'à mes culottes. En coton mercerisé. Je me demande parfois si
elles ne font pas partie de l'héritage que t'ont laissé tes
grands-mères.
Les sous-vêtements de couleur ? C'est pour les putes !
Les sous-vêtements en dentelle ? Pour les putes !
Et je ne suis pas une pute, je suis ta femme. Je devrais en être
fière.
Et m'en souvenir.
Mes côtes s'en souviennent. Merci.
Et tu voudrais me voir arrêter de travailler.
Parce que ça me fatigue dis-tu.
Pour que je dépende totalement de toi oui. Et ça, jamais.
Est-ce que je te demande si tu m'aimes ? Non !
Inutile. Je connais la réponse à cette question.
Tu te souviens ? Nous étions chez des amis.
Des amis à toi.
Il y avait une femme ce jour-là .
C'est pour elle que tu y es allé. Moi, j'ai pu t'accompagner. Et me
taire.
Tu as déclaré, devant moi, parce que même quand je suis là , pour toi
je ne suis pas là , ma présence ne compte pas, tu as dit :
« Ma femme, je ne l'aime pas. Mais je l'admire.
Au lieu de courir aux toilettes pour remettre ta queue en place, tu
aurais dû rester. Tu aurais entendu la réponse de cette femme que tu
voyais déjà dans ton lit.
Et maintenant je sais qu'elle n'y sera jamais.
« Il t'admire parce que tu lui laves ses petites culottes, que tu
lui fais à bouffer et que tu lui vides les couilles. »
Depuis, je te vois autrement.
Oui. Autrement.
Comme tu es.
Un monstre. Un monstre d'égoïsme. Un monstre de jalousie.
Et un profiteur.
Car tu profites de moi.
Je coûte moins cher qu'une femme d'ouvrage, deux restos par jour et
deux putes par semaine.
Oui, je fais ta lessive. Oui je te fais à manger.
Et je te vide les couilles.
« Suce-la bien qu'elle soit bien dure. Tu aimes la sentir bien
dure, hein! Dis que tu aimes. »
Quand tu as terminé, heureux et satisfait du viol que tu m'as fais
subir, je suis sale. Souillée. Je n'ai qu'une envie, me rincer la
bouche et le vagin à l'eau de Javel.
On dirait un chien qui pisse sur un réverbère : pour marquer ton
territoire.
Tu me dégoûtes.
Un jour, si je trouve le courage, un jour, quand tu me violeras, un
jour, juste pour t'arrêter, je te demanderai ce que je dois te faire à
manger.
Mais je n'ose pas.
Tu comprends, je n'ose pas.
Tu me terrorises.
Cela fait longtemps que je reste avec toi par peur.
Peur d'être battue.
Quand la peur d'être tuée sera trop grande, je trouverai le courage de
te quitter.
- À quoi penses-tu ? Je t'ai posé une question !
- Je me disais, il y a bientôt dix ans que nous sommes mariés. Tu
devrais me dire qui tu veux inviter. Et ce que tu veux que je te fasse
pour manger.
- © Christian Brissa
- juillet 2011
- Amnesty International belgique et le fichier.pdf
- Femmes prévoyantes socialistes, un fichier.pdf