L'homme est content.
Pensez donc, six mois d'un travail de fourmis, six mois pendant
lesquels, patiemment, il s'est fait un fichier d'adresses, six mois
pendant lesquels il a visité les sites web d'administrations et
d'organismes officiels, six mois pendant lesquels il a fouillé,
regardé plus qu'il a vu, des sites qui ne l'intéressaient pas, des
sites dans lesquels il n'a cherché qu'une seule chose.
L'homme est content.
Il n'est pas pressé. Aujourd'hui, il visite un dernier site.
Un petit dernier pour la route.
Welcome to the FBI's official site.
Il sait ce qu'il cherche. Il sait où se trouve ce qu'il cherche.
Mais il ne trouve pas. Pas tout de suite.
Il entre n'importe où. Hésite. « Back ». Entre par
une autre page. Descend plus bas encore.
« Home ». « Site Map ».
Depuis qu'il est entré sur le site, il sait où se trouve l'information
qu'il recherche.
Il sait aussi qu'il est pisté par le webmaster, plus
exactement par une machine.
If you have any suggestions about this site mail to the webmaster.
En passant la souris sur la phrase, le curseur devient doigt : il
regarde le bas de son écran « mailto:webmaster@fbi.org ».
La souris remonte le plan : d'un clic il se retrouve sur la page
des mandats de recherche internationaux. Belgium. Il regarde,
reste quelques secondes. Il regarde mais ne voit rien : son
pisteur sait que sa machine est en Belgique, son pisteur sait qu'il
travaille au Ministère de la Justice ; quoi de plus normal
qu'examiner la page du site où il peut trouver les Belges recherchés
par les Etats-Unis. Il quitte le site après avoir noté l'adresse qu'il
a trouvé.
Sans doute est-il distrait car il se trompe : en écrivant il note
postmaster@fbi.org au lieu de webmaster.
Excell lui confirme qu'il a bien travaillé : le fichier vient
d'enregistrer une douze millième ligne.
La dernière.
Si quelqu'un avait pu regarder le fichier, il aurait compris que nulle
distraction n'était intervenue : douze mille postmasters,
aucun webmaster.
Ah ! la normalisation ! Même les fonctions n'y échappent
pas.
Le Hilton n'est pas loin du Ministère.
Quand il y pénètre, on l'examine, peu importe qu'il n'ait l'habitude
ni des palaces ni des grands hôtels : il n'en a cure, il est
entré, il veut trouver une base pour son « Poisson d'avril ».
- Bonjour Monsieur, puis-je vous aider ?
- Dans quelques jours il y aura tout juste 25 ans que je connais ma
femme, j'avais pensé l'inviter pour une nuit dans un grand hôtel.
S'excusant presque, il continue.
- Vous savez, il y a vingt-cinq ans on n'avait pas beaucoup d'argent.
Enfin , je ne veux pas dire que maintenant on est riche, je suis agent
de l'État, mais on peut se permettre une petite folie.
Le réceptionniste s'attendrit. Il ne sait plus à quelle date il a
rencontré sa femme. Il aurait dû. Lui aussi aurait pu inviter sa femme
vingt-cinq ans plus tard. Au Sheraton, pour sûr. A-t-on idée d'inviter
sa femme sur son lieu de travail ?
La réflexion n'a duré que quelques dizièmes de seconde, elle est vite
arrêtée : le métier reprend ses droits.
- Voulez-vous la chambre nuptiale ?
- Il ne faut pas exagérer ! Non, une chambre normale ! Pas
celle que vous réservez aux représentants de commerce. Une petite
folie, d'accord, mais pour la ruine… On n'a pas l'habitude des
hôtels ; même en vacance on ne va pas à l'hôtel, on va au
camping. A cause du prix, vous comprenez ?
- Sans vouloir vous vexer, puis-je me permettre de vous poser la
question autrement ? De quel budget disposez-vous ?
Le nombre qui est alors proposé fait sourire le réceptionniste.
- Mais c'est par personne !
Décidément, l'homme est amusant. Mu par on ne sait quelle raison, le
réceptionniste appelle sa doublure, son rempaçant :
- Marcel, prend ma place quelques instants, je m'occupe de Monsieur.
Vingtième étage, une porte est rapidement ouverte.
L'homme entre.
La chambre est propre. Rien à y redire.
Mais c'est une chambre d'hôtel comme il en déjà vu tant. Plus grande,
décorée avec plus de goûts, les matériaux sont de meilleure qualité.
Et le papier peint du mur n'aura jamais le temps de jaunir.
Mais ce n'est qu'une chambre d'hôtel.
- C'est une chambre d'hôtel ça ? On dirait un studio !
Le ton est admiratif : un homme qui passe ses vacances au camping
ne peut être qu'admiratif. Après tout, une chambre d'hôtel, c'est plus
grand qu'une tente, non ?
- Et vous avez l'Internet ?
La question surprend le réceptionniste. Il n'a pas le temps de
répondre que déjà l'homme reprend :
- Oui, la prise murale sans téléphone. Je suppose que c'est pour
l'Internet !
- Vous avez raison, si vous le désirez, nous pouvons vous installer un
PC, si vous installez un portable, il y aura quelqu'un pour vous aider
à, comment dit-on ? … à configurer votre machine.
- Le huit mars, je n'aurai pas le temps de passer par la maison. Comme
j'ai mon courrier sur l'Internet, vous pouvez installer un PC, quand
j'aurai été prendre ma moitié à la gare, je n'en aurai plus besoin. Et
le prix ? Elevé ?
- Non Monsieur, si le service est payant, le prix en est si bas que
vous ne verrez pas la différence.
- Au fait, dites-moi LL ou PSTN ?
- Là, Monsieur, je ne comprends pas ce que vous voulez dire.
- Est-ce qu'on se connecte à l'Internet par une ligne louée ou par une
ligne téléphonique ?
- Par une ligne louée! Tous les Hilton sont reliés à la maison mère,
ça permet d'avoir une comptabilité centralisée, de partager les
fichiers de réservation entre les hôtels de la chaîne, et bien
d'autres choses encore que j'ignore. C'est d'ailleurs ce qui explique
la modicité du prix du service : la ligne a été installée à
l'usage de l'hôtel, les clients en profitent, et, comme il y a
quelques chambres et de la demande, même un prix réduit nous permet de
rentrer dans les frais.
- Très astucieux.
- Si vous le dites, Monsieur.
Il y a eu I LOVE YOU.
Quelques jours plus tard NEWLOVE.
Au « Centre de Traitement de l'Information » du Ministère de
la Justice, comme dans tous les CTI des Ministères et, sans doute,
comme dans tous les services informatiques de la planète on a discuté.
Pourquoi lance-t-on un virus ? Pour la gloire ou pour la
gloriole, personne ne sait.
Pour emmerder son monde, c'est certain !
Il faut encore ajouter que les virus sont très vite contrés.
L'antivirus ne met que deux ou trois heures à naître.
Puis, on les oublie.
Alors, la gloire, vous pensez.
Y a sûrement moyen d'en faire un bon.
Enfin, quand on dit un bon, on veut dire un mauvais : un qu'on ne
détecterait que trop tard, un qu'on n'oublierait pas, un que les
antivirus ne pourraient pas détruire.
Mais comment fait-on un bon virus ?
Le huit mars, l'homme passe au Hilton. Quelques signes trahissent une
nervosité à laquelle on ne s'attendrait pas.
- Regarde, c'est l'homme dont je t'ai parlé : vingt-cinquième
anniversaire. On dirait un jeune marié : regarde-le comme il est
pâle !
Le bagage est réduit : une nuit, ce n'est pas long !
- Comme vous pouvez le voir, l'ordinateur est installé.
- C'est gentil d'y avoir pensé. Merci. Je vais me raffraîchir. Le
train de ma femme n'arrive que dans une heure et demie.
- Bonne soirée, Monsieur.
A peine seul, l'homme ouvre son sac de voyage. Il en sort un Notebook
et un Iomega Zip.
C'est pas bien grand un Notebook.
Et sur un Iomega Zip on met pas mal de données.
Il s'installe devant le PC.
Clic-droit sur Voisinage réseau, Propriétés, TCP-IP, Propriétés.
L'adresse IP de la machine est recopiée sur le Notebook, de même pour
l'adresse du gateway. L'appareil est rebooté, Virtual PC
lancé, tout est prêt. Le PC est débranché du réseau, le Notebook l'y
remplace prestement.
Une douche rapide.
Un dernier regard à la machine, une hésitation, puis des gestes
précis : il s'agit de ne pas se tromper. Economies
d'énergie : arrêter le disque dur, jamais ; économiseur
d'écran : soixante minutes.
L'homme finit de s'habiller. Un dernier regard à sa montre :
dix-neuf heures deux minutes. Il fait glisser la souris sur le tapis
puis descend.
Si la gare du Midi n'est pas loin, il n'a pas vraiment le temps de
traîner en route. D'autant plus qu'il doit encore réserver une table
pour ce soir.
Le train est arrivé, presque, à l'heure. Pour une fois la SNCB a
respecté sa partie de contrat. Assez rare pour être souligné. Deux
minutes de retard, ce n'est pas beaucoup. Ce matin ou demain :
non, il n'aurait rien dit. Mais aujourd'hui, ce soir, maintenant, il
n'aurait pu l'accepter.
Huit heures moins dix.
A l'hôtel, il s'installe avec sa femme au bar pour l'apéro.
- Deux Gancia, dont un sans orange, svp.
Huit heures moins six.
- J'ai oublié mes cigarillos dans la chambre. Je sais que tu n'aimes
pas quand je fume, mais, je te promets de ne pas fumer trop. J'en ai
pour deux minutes.
Huit heures.
Il ouvre la porte de sa chambre.
Et attend, debout, devant le Notebook.
Il le trouve beau, si beau à regarder qu'il va le toucher.
Mais se reprend à temps : dans quelques secondes,
l'antépenultième phase va démarrer.
Seule.
Magie du screen-saver.
Et l'écran de s'éteindre.
Et le Zip de se mettre à tourner.
Et le virus de se propager : douze mille adresses directes.
Il a bien travaillé.
Il peut aller manger.
Dans une heure le courrier sera parti.
Personne ne le recevra !
- Comment tu ferais toi pour qu'on le détecte trop tard ?
- Je sais pas, mais ça doit être possible.
- Imagine que tout le monde ait le virus, mais qu'il ne soit pas
activé tout de suite…
- Stop ! Si un virus arrive, Mc Affee ou Norton l'arrête !
- Oui, si il est connu. Pas si c'est un nouveau.
Et les banalités d'usage.
Et soudain, du choc des idées jaillit la lumière.
- Et si, au lieu d'infecter les PC, le virus s'installe sur les
CISCO ? Il suffirait de connaître l'heure su système et la zone
d'heure GMT.
- Tu vas trop vite : explique.
- Oui, c'est ça, j'ai trouvé :
« Bruxelles, c'est GMT+1; Cincinatti GMT+5. Tais-toi, écoute mon
idée. Tu lis l'heure du router, tu regarde dans quelle zone il
est installé : tu sais lancer une instruction EXACTEMENT A LA
MEME HEURE dans le monde entier… Imagine les dégâts. Le temps de
réaction peut être aussi court qu'il veut, il sera trop long. Il sera
trop tard. »
Le virus a mis plusieurs heures pour ateindre les CISCO par lesquels
transitent les informations de l'Internet. Combien, nul ne le sait.
Peu importe.
Du temps, il en a.
Il a presque trois semaines, alors, une heure de plus ou de moins.
Pour voyager, il monte au premier mail, il descend au dernier
CISCO.
Vingt-cinq mars.
- Vous vous souvenez de moi, je suis passé le huit.
- Oui Monsieur. Que puis-je pour votre service ?
- Est-ce que la chambre que j'ai occupé ce jour-là est libre ?
J'y ai oublié mon stylo.
- La chambre est libre Monsieur. Mais vous pensez bien qu'elle a été
nettoyée de fond en comble. Aucun stylo n'y a été retrouvé.
- Pardonnez-moi d'insister. C'est stupide, je sais. Mais c'est
aujourd'hui mon anniversaire…
-Félicitation Monsieur.
- …et le stylo est un cadeau de ma femme. Je suis certain de l'avoir
oublié ici. Si je ne l'ai pas ce soir, ça va être ma fête. Qu'elle me
fasse la fête le jour de mon anniversaire, je veux bien. Que ce soit
ma fête… Laissez-moi voir la chambre. Faites-moi plaisir.
Le ton est presque suppliant.
Décidément, cet homme qui paraissait sympathique ressemble de plus en
plus à un con. Mais le client est roi, le réceptioniste se retourne
pour appeler une femme de chambre. Il n'a pas le temps d'appeler.
- Non, inutile de déranger quelqu'un, donnez-moi la clé, j'en ai pour
moins de cinq minutes.
- Je ne devrais pas. Tenez, faites vite et ne traînez pas.
- Merci.
Dans l'ascenseur, pendant la montée, le Notebook est allumé. Arrivé
dans la chambre, il est branché : l'avant-dernière phase est
lancée.
Et un message de partir.
Et personne de le recevoir.
Il a bien travaillé.
Il peut aller manger.
- Vous voyez, sur la plinthe, entre la table de nuit et le mur.
- J'en suis heureux pour vous. Bon anniversaire Monsieur.
Et de penser à faire une remarque à la femme d'ouvrage : entre le
mur et la table de nuit, presque trois semaines sans nettoyer, c'est
intolérable.
Le soir, l'homme regarde le journal à la télé.
Internationnal.
Après I LOVE YOU et NEWLOVE une nouvelle affaire de virus. Parti de Singapour, d'où sont partis les deux premiers virus cités, HAPPY BIRTHDAY a atteint l'Europe en moins de deux heures et les Etats-Unis en moins de quatre. Contrairement à I LOVE YOU et à NEWLOVE, HAPPY BIRTHDAY ne semble pas avoir fait de dégât. Un simple canulard d'après les spécialistes, mais un canulard qui, venant après deux virus qui ont causés pour plusieurs millions d'Euros de dégâts, a incité plusieurs postmasters, c'est ainsi que l'on nomme les responsables du courrier électronique dans les entreprises, à arrêter les machines pour quelques minutes : le temps pour eux de recevoir un mail de ICSA.NET, l'association qui regroupe les chasseur de virus, mail confirmant l'innocuité de HAPPY BIRTHDAY
Les images sur lesquelles est dit ce texte montrent l'écran d'un PC.
Un gâteau d'anniversaire et un poisson flottant inlassablement,
traversant l'écran de droite à gauche.
« Il suffit de relancer la machine, et ces icônes
disparaissent. »
Certains, ceux qui ont une carte son entendent même le poisson
souhaiter un bon anniversaire dans plusieurs langues. Normal qu'il
soit polyglotte, puisque le poisson utilisé est Babel Fish.
- Même si l'ordre arrive à tous les PC au même moment, il ne pourra
pas saloper tout puisque tous les PC ne seront pas allumés.
- D'accord, un point pour toi. Mais si un « cheval de
Troie » est installé sur le PC, il peut charger une application
différente : si la machine est allumée, elle se vide
immédiatement, si elle est éteinte, elle se vide à l'allumage…
- Si quelqu'un écrit une telle application et que ça marche, il ne
fera pas de vieux os…
Lorsque l'association des chasseurs de virus a envoyé son mail,
c'est un fichier texte normal, inoffensif.
Mais les CISCO attendent.
Ils attendent un message de ICSA.NET.
Un message qui parle de HAPPY BIRTHDAY.
Et ce message, ils le reçoivent
Ce qui est reçu n'est pas ce qui est parti…
« HAPPY BIRTHDAY est totalement innofensif. Pour le faire
disparaître, il suffit d'arrêter puis de rallumer la machine. Pour
calmer et rassurer ceux de vos collaborateurs qui ont vu leur PC
atteint par le virus, et ne pas paniquer les autres, nous vous
conseillons de faire suivre ce mail en service interne. »
Le postmaster du FBI n'a rien vu d'autre que le message, il
n'a pas remarqué que le septante-deuxième et dernier caractère de la
première ligne cache quelque chose : si il l'avait survolé avec
la souris, il aurait vu le curseur changer de forme... une
« flèche » ne devient un « doigt » que, si, et
seulement si, il y a une application ou un lien hypertexte derrière.
Et il transmet le message à tout le personnel du FBI.
Et le virus de se propager : tous les PC du FBI le reçoivent.
Et le virus de se propager : douze mille postmasters font
de même.
Il a bien travaillé.
Il peut aller manger.
Son PC, comme ceux de ses collègues, restera allumé.
Pour lui, l'avant-dernière phase est terminée.
La dernière phase vient commencer.
Seule.
Magie du screen-saver.
L'homme entre dans la salle des opérateurs au beau milieu de la
discussion. Un compte-rendu lui est fait qu'il résume en l'agrémentant
de ses propres idées :
- Si j'ai bien compris, une agression à l'échelle mondiale peut se
faire si on travaille en plusieurs phases :
Sachant ce qui doit être supprimé, il faut un programme Visual Basic
adapté.
Sachant qu'il n'y a qu'un router qui connaisse l'adresse d'un
site, il faut infecter ce router et seulement celui-là pour
atteindre le site. Il faut donc écrire une routine en code Hayes, ou
plutôt l'équivalent CISCO du code Hayes, pour n'infecter, d'abord que
les CISCO.
Enfin, et c'est la partie la plus difficile, il faut faire admettre un
« cheval de Troie » sur les machines. C'est lui qui chargera
et activera le virus en temps voulu…
- Tu dis qu'il n'y a qu'un CISCO qui connaisse l'adresse d'un
site ! Comment ça ?
- Le Ministère est relié à l'Internet par une et une seule
machine : ce que j'appellerai le Front End Router ou le
CISCO Terminal. Quand quelqu'un t'envoye un mail de
l'extérieur, ce mail passe par son FER, de là il passe
ailleurs, mais pas par n'importe où : si tu veux joindre les
Affaires Economiques, le router sait qu'il doit passer par sa
porte x ou y mais pas par sa porte z. De là le router de
transit, si il y en a un, pousse le message vers sa porte x ou y, et
ainsi de suite jusqu'au dernier router du trajet : celui
sur lequel est relié le Ministère des Affaires Economiques… Celui-là
et celui-là seulement n'a qu'une porte qui convient.
Donc, si tu expédies un message au FBI, par exemple, et que ce message
contient du code destiné au router terminal le FBI ne recevra pas le
message, mais le FER étant infecté, tu pourras le contrôler, ou
quelque chose comme ça.
- OK. Mais pour le « cheval de Troie », comment
fais-tu ?
- Simple, un virus anodin, avec un nom connu de toi : le monde
entier le reçoit, comme il est anodin, on le laisse passer. Il n'y a
plus qu'à attendre que la machine soit libre pour faire entrer le
virus, le vrai cette fois.
- Tu marques un point là aussi. Problème : quand est-ce ue la
machine est libre ?
- Facile : quand elle est éteinte.
Ou quand le screen-saver est actif… Personne devant la
machine, elle est à toi. Tu as déjà remarqué que, quand l'économiseur
se met en route, le disque dur se met à tourner, pas toujours, mais
souvent : le PC vide son cache et sa mémoire sur le
disque dur… personne n'y verrait rien.
- D'ac ! Mais pour que tout le monde ait sa machine vidée à la
même heure ?
- Vous disiez qu'il est possible de lire l'heure sur le CISCO, qu'on
pouvait même savoir dans quelle zonr GMT il se trouve… transpose
l'idée au PC.
- On y va ?
- OK ! Pour quelle date ?
- Que diriez-vous du premier avril ?
- C'est dans huit mois ! C'est loin tout ça !
- Ça nous laisse juste le temps de peaufiner.
- Et le « Cheval de Troie » ?
- Une semaine plus tôt : le 25 mars.
- L'Annonciation ?
- Non, mon anniversaire !
Il ne dormit pas bien cette nuit-là.
Il ne devait pas être seul à avoir mal dormi.
Jan, postmaster du Ministère, a fourni le code de NEWLOVE, le
virus qui réduit à rien la taille des fichiers.
Christophe, spécialiste NT, a trouvé les adresses machine à contrôler.
René, habitué des routines machine a adapté l'un à l'autre.
Laurent s'est renseigné chez Telindus pour le code du CISCO.
Paul a fait de même chez Siemens.
Patrick a réuni les infos, et écrit la routine.
Les router de réserve ont fourni le terrain d'essai.
Des essais qui ont beaucoup occupé Maryse.
Jean-Philippe a fourni sa connexion ISDN : un PC placé chez lui
se plantait régulièrement, au grand dam de sa famille. Lui prenait ces
plantages avec phylosophie. Allez donc savoir pourquoi !
Cécilia a crée un superbe gâteau d'anniversaire.
Nathalie, Cindy et Rita ont soigné leur accent.
Tous ont appris Visual Basic.
Tous ont étudié le langage machine utilisé par les router.
Et on dit que les agents de l'Etat ne s'intéressent à rien…
Et on dit que les agent de l'Etat ne font rien…
Que les gens sont méchants !
Mais cette nuit il avait chaud.
Cette nuit, ils avaient tous chaud.
Et si ça ne marchait pas ?
Et si ça marchait trop bien ?
Demain.
Demain, à huit heures, heure de Bruxelles.
Au Ministère des Affaires Economiques, Jacques appelle ses collègues.
- Venez voir, ça recommence comme la semaine dernière: Babel Fish
2, le retour !
- Monte le son !
« Poisson d'avril », dans plusieurs langues, des traductions
littérales qui font rire le personnel de ce service de
traduction : non, ce n'est pas demain qu'ils seront remplacés par
un ordinateur.
Puis, comme il l'a fait une semaine auparavant, Jacques arrête son PC.
Et le rallume.
Personne ne tique quand apparaît la phrase : Install met à
jour vos fichiers, celà peut prendre plusieurs minutes.
L'habitude de regarder passer les messages vous empêche de les voir
vraiment.
Mais, quand plusieurs minutes plus tard le message est encore là…
« Ils sont venus, ils sont tous là
Elle va mourrir la mama… »
La radio est allumée.
Ils sont venus, ils sont tous là.
L'un surveille l'écran d'un PC, l'autre a un regard sur le
réveil-matin radiocommandé que quelqu'un a apporté.
C'est à huit heures trois secondes que le réveil s'est arrêté.
La radio aussi.
A huit heures deux minutes, il y eu un accident sur le boulevard : les feux de circulation étaient éteints. Et pendant les heures de pointe encore bien ! Honteux je vous dis.
Et ce téléphone qui tombe en panne : impossible de prévenir et de demander une ambulance.
Dans leurs lits, ils avaient mal dormis. Ils avaient révés éveillés
d'un jour de gloire.
Maintenant qu'ils sont éveillés, qu'ils ne rêvent plus, ils font un
cauchemard.
Lequel a levé la tête le premier ? Impossible à dire !
Quand le postmaster du FBI part pour rejoindre son bureau, il
sent bien qu'il se passe quelque chose.
Mais il ne sait pas quoi.
Il ne saura jamais vraiment quoi.
Même si il pense bien à quelque chose.
Son réveil n'a pas sonné.
Et il a du pousser, pour l'ouvrir, la porte de son garage.
Non, la domotique n'est pas au point.
Sur la route, aucun feu de signalisation.
Plusieurs accidents, pas d'ambulance. Il ne peut rien faire, son
téléphone portable est en panne.
Il fait noir.
Il n'arrivera pas à son bureau.
Un avion en a décidé autrement.
L'avion, pas le pilote qui ne contrôle pas l'appareil : panne
totale de l'ordinateur de bord.
Lequel a levé la tête le premier ? Impossible à dire !
Il s'agit là d'un détail.
Sans grande importance.
- © Christian Brissa
- août 2000